Il y a 150 ans jour pour jour, le 11 avril 1871, fut créé L’Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés. Cette organisation imaginée et gérée par des communardes était encadrée par un comité central et avait pour missions de mettre en place et de structurer nombre de mesures à destination des citoyennes et des indigents.
Les statuts de l’organisation furent envoyés à la Commission exécutive de la Commune et publiés le lendemain dans le journal La Sociale. L’adresse des citoyennes est publié au Journal officiel le même jour et dès le 16 avril dans Le Cri du peuple, journal de Jules Vallès.
L’« Union des femmes » fut ainsi reconnue par les institutions de la Commune et bénéficia notamment de la diffusion de leurs affiches dans les rues de Paris.
Une organisation par et pour les femmes… mais pas seulement…
« Une organisation sérieuse parmi les citoyennes de Paris résolues à soutenir et à défendre la cause du peuple, la Révolution et la Commune vient d’être fondée afin de venir en aide au travail des commissions du gouvernement pour le service des ambulances, des fourneaux et des barricades. » pouvait-on lire dans le journal La Sociale le 14 avril.
Depuis le 3 avril, les bombardements ont repris dans Paris. L’armée versaillaise est aux portes de la capitale et la Commune poursuit ses réformes politiques et sociales tout en organisant la défense de la ville. Dans ce contexte, les missions défendues par l’Union des femmes étaient nombreuses : recrutement d’ambulancières et d’infirmières, organisation d’œuvres de bienfaisance à destination des orphelins, des pauvres et des vieillards… Nombre de ces missions revenaient d’ailleurs à l’Eglise avant l’établissement de la Commune. A partir du 11 avril, c’est l’Union des femmes qui en assura l’organisation et le suivi.
Leurs missions ne se limitaient cependant pas l’appui logistique et alimentaire des soldats et des civils. L’Union portait également les revendications des parisiennes concernant le droit du travail et le statut de la femme dans le monde professionnel et familial. L’organisation a participé à la réouverture des ateliers de confection fermés, pour certains, depuis le Siège. Cette action a permis à de nombreuses ouvrières au chômage de retrouver un travail. A terme, l’Union des femmes souhaitait mettre en place des ateliers coopératifs gérés par les ouvrières elles-mêmes dans un esprit mutualiste. Ce projet ne verra pas complètement le jour, stoppé par les combats de la semaine sanglante fin mai. Seul un atelier de confection d’uniformes sera mis en place.
Des communardes aux commandes
L’Union des femmes compte plus de 300 membres identifiées mais elles étaient probablement plus nombreuses. Les clubs politiques répartis dans plusieurs églises de la ville accueillaient déjà un certain nombre de communardes. Toutes n’y prenaient pas la parole mais on recense plusieurs clubs fréquentés majoritairement par des femmes, comme celui de l’église Saint Germain l’Auxerrois ou celui de Saint Bernard de La Chapelle qu’animera Louise Michel.
Plusieurs « parleuses des clubs » sont d’ailleurs des figures fondatrices de l’Union des femmes. Elisabeth Dmitrieff, jeune fille russe d’à peine vingt ans et Nathalie Le Mel, ouvrière d’origine bretonne et membre active du syndicat des relieurs sont deux de ses fondatrices. Elles ont toutes deux fait partie de la commission exécutive du comité central de l’Union jusqu’à la Semaine Sanglante.
Elisabeth Dmitrieff, arriva à Paris peu avant le vote de la Commune de Paris. Cette « Russian lady » était à l’origine envoyée par Karl Marx pour rendre compte de la situation dans la capitale française. Dès son arrivée, elle défend le droit à l’éducation pour tous et toutes et un éveil politique pour les citoyennes. A la fin de la Semaine Sanglante, elle s’exile en Suisse avant de regagner la Russie.
Nathalie Le Mel vivait à Paris depuis 1861. Arrivée de Bretagne en famille, cette mère de trois enfants se sépara de son époux alcoolique avant la Commune. Membre de l’Association Internationale des Travailleurs, elle participa à plusieurs grèves des ouvriers relieurs avec Eugène Varlin avant de créer l’Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés. Elle sera déportée en Nouvelle-Calédonie, sur le même navire que Louise Michel.
Le nom d’André Léo, journaliste à La Sociale revient aussi régulièrement dans l’histoire de l’Union. Bien qu’elle ne fasse pas partie des fondatrices, elle y a été très active. Léodine Béra de son vrai nom prend le pseudonyme d’André Léo en hommage aux prénoms de ses fils jumeaux. Son implication dans l’Union des femmes fit aussi écho à son rôle de présidente de la Commission féminine de l’enseignement. A la fin de la Commune, elle quitta Paris et se réfugia en Suisse.
Les femmes aux barricades
Le 6 mai 1871, une affiche au ton revendicatif fait son apparition sur les murs de Paris. Elle est signée de l’Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés. Ce manifeste est une réponse à une lettre apparue la veille demandant une conciliation entre communards et versaillais. Ce faux courrier demandait la fin de la Commune au nom de l’ensemble des parisiennes.
L’Union des femmes dans ce manifeste mis en avant sa volonté de prendre part activement aux combats qui s’annonçaient. On pouvait y lire « Une conciliation entre la liberté et le despotisme, entre le peuple et ses bourreaux ! Non, ce n’est pas la paix, mais bien la guerre à outrance que les travailleuses de Paris viennent réclamer ! » Dans les faits, de nombreuses membres de l’Union des femmes étaient présentes sur les barricades durant la semaine sanglante. Nathalie Le Mel a par exemple combattu sur la barricade de la Place Blanche. Ce lieu était d’ailleurs défendu par une majorité de communardes. André Léo était présente à la barricade des Batignolles, tandis qu’Elisabeth Dmitrieff était à celle du faubourg Saint Antoine.
En quelques semaines, l’Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés a mis en place de nombreux projets pour aider les parisiennes et leurs familles. Dans les écoles, dans les ateliers et sur les barricades, ces communardes ont participé activement à l’évolution du statut des femmes dans leur vie personnelle et professionnelle.
Pour lire ou relire le 1er et le 2ème épisode de #150 ans, jour pour jour la Commune de Paris.
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