Un jour, une œuvre : jeu de tables de Saint-Denis

Le 3 avril 1369, le roi Charles V fait interdire la pratique de tous les jeux car ceux-ci étaient considérés comme une invention diabolique, liée à l’un des sept péchés capitaux : l’avarice. Cependant, au cours des siècles, une certaine tolérance fut de mise, selon les conditions dans lesquelles on jouait, avec qui et quand : on pouvait jouer en journée avec des hommes de lettres, éduqués aux arts de la chevalerie, mais aussi avec… des hommes d’église !

Quels étaient les jeux du Moyen Âge ?

Nous savons, grâce aux sources textuelles et aux découvertes archéologiques, que de nombreux jeux étaient pratiqués au Moyen Âge : les uns demandaient un effort physique, comme le jeu de paume, les palets, les quilles, et les autres seraient aujourd’hui qualifiés de jeux de plateau : les dés, les osselets, les échecs et les jeux de tables dont l’un des exemplaires les plus anciens a été découvert à Saint-Denis.

Pourquoi l’appelle-t-on jeu de tables ?

Car il se jouait avec des tables, qui sont des pions (du latin tabula,ae).

Ce jeu de tables, appelé aussi tablier, a été mis au jour lors de fouilles archéologiques réalisées dans le cadre de la rénovation du centre-ville en 1987, dans un dépotoir situé à une centaine de mètres au nord de la basilique. Grâce à des tessons de poterie qui lui étaient associés, un type de céramique bien particulière dont la production est attestée à Saint- Denis au XIe -XIIe siècle, on a pu dater ce jeu.

Trente-trois éléments de placage du tablier ont été retrouvés par les archéologues : ils sont réalisés en os, plus précisément avec des côtes d’herbivores, dont deux pièces en andouiller de cerf. Il était très courant d’utiliser des os d’animaux pour fabriquer des objets : des jeux (dés, pions, toupies, etc.), mais aussi des peignes, des épingles… pas de gaspillage au Moyen Âge !

Parmi ces éléments de placage, vingt-trois sont en forme de flèche ; on peut distinguer les deux « couleurs » de flèches en fonction de leur décor : douze sont gravées d’ocelles doubles (cercles) et onze de chevrons (motifs en zigzag). Quatre éléments du cadre, ainsi que deux pièces oblongues, et quatre pièces en forme de trapèze, décorées d’ocelles et rainures, composent également le tablier.

Comment se présentait ce jeu ?

Les archéologues le restituent de la manière suivante : un plateau en bois de 60 cm de long sur 45 cm de large, entouré par les quatre éléments du cadre, sur lequel sont plaquées les flèches en alternant motifs de chevrons et d’ocelles ; les deux pièces oblongues et les quatre éléments trapézoïdaux formeraient une séparation centrale en forme de croix. Toutes ces plaques étaient fixées au plateau en bois par des rivets en fer.

Quel est le nom de ce jeu ?

Certains chercheurs le dénomment trictrac, mais il pourrait aussi s’apparenter à l’actuel backgammon. Comme celui-ci, le plateau en bois serait pliant. Cependant, le déroulement des parties et leurs règles restent mal connues. Son apprentissage participait à l’éducation de l’élite cultivée. Trente pions, quinze « blancs » et quinze « noirs », ainsi que deux dés, accompagnaient très certainement le jeu, mais n‘ont pas été retrouvés ; peut-être ont-ils été conservés par les joueurs ?

 

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